Chapitre 1.1
L’hiver était là. Le vent s’engouffrait dans les cheminées des maisons, sifflant des tourments de promesses glaciales et pressant les rares courageux qui arpentaient les rues de la ville à rentrer chez eux.
Seuls quelques chats errants semblaient s’amuser à chasser les rares feuilles mortes qui tournoyaient dans les airs.
La ville était de taille moyenne, traversée par deux fleuves. Construite sur d’anciens marécages, la moindre pluie terrifiait les habitants dont les plus superstitieux d’entre eux croyaient en l’Atlantide comme une prédiction de ce qui allait leur arriver un jour. Pour d’autres la beauté des bâtiments administratifs, vestiges d’un temps passé épargné par les bombardements de la guerre, garantissait son attractivité auprès des touristes et contribuait au bonheur des commerçants de souvenirs. Son centre ville historique, bien qu’apprécié habituellement, était à cette heure désertée en raison du mauvais temps. La ville s’endormait lentement. On entendait au loin comme un écho l’appel d’une mère à son enfant lui ordonnant de rentrer ainsi que quelques rires furtifs à la sortie d’un restaurant.
Au sud-est de la ville, se trouvait à l’angle d’une ruelle calme une maison différente des autres du quartier, haut lieu de la construction contemporaine en béton armé. La maison ancienne miraculeusement épargnée par les architectes ressemblait d’avantage à celles du centre ville, en pierres apparentes avec un grand jardin arboré.
Des pas pressés se faisaient entendre dans les escaliers conduisant aux trois chambres de la maison.
Le temps était compté pensa t-il, bien que l’ironie de l’expression eût pu lui donner envie de sourire s’il en avait eu la possibilité. Comme chaque jour sa principale préoccupation était de partir avant qu’elle ne se réveille. Elle ne devait en aucun cas le croiser, c’était les termes du contrat.
Le plateau d’argent à la main il ouvrit lentement la porte de la chambre. La jeune femme était endormie, il déposa le plateau et referma la porte. Le mécanisme dans un murmure s’enclencha, il était satisfait, sa mission du soir était terminée, elle pouvait à présent se réveiller, cela n’avait plus aucune importance, elle ne sortirait pas de la chambre de toute façon.
Il descendit les escaliers sans se presser et quitta la maison en vérifiant que la porte d’entrée était bien verrouillée, puis ramassa le journal du jour que le livreur avait déposé sur le perron.
Il jeta le journal dans la première poubelle après avoir accordé un discret coup d’œil à la première page, bien sûr on ne parlait pas du mauvais temps. Il avait regardé la date du journal en haussant les épaules. On était le 27 juillet 2010.